La notaire normalement prudent fait des efforts suffisants!

En contrepartie de la confiance accordée par le client au notaire en tant qu’officier public, le devoir de conseil qui incombe au notaire en vertu de l’article 9, § 1, alinéa 3 de la loi sur les notaires s’applique. Le notaire doit toujours informer chaque partie des droits, obligations et charges découlant des actes juridiques dans lesquels ils sont impliqués et il doit, en outre, conseiller toutes les parties de manière impartiale. Ce devoir de conseil et d’information comprend, entre autres, un devoir de recherche et d’enquête.

Par un récent arrêt du 7 mai 2020 (n° C.19.0273.N), la Cour de cassation s’est prononcée sur une affaire dans laquelle le notaire instrumentant avait mal décrit le bien dans l’acte notarié lors de la vente/achat d’un appartement. Dans l’acte de base de l’immeuble le notaire avait mentionné qu’une des chambres de l’appartement donnait accès au jardin. Cette description a par la suite été reprise par le notaire instrumentant dans l’acte notarié concernant la vente/l’achat de l’appartement. Cependant, dans la pratique, la chambre en question n’avait qu’une fenêtre ronde et donc aucun accès direct au jardin. De plus, cette construction effective était conforme aux plans de construction autorisés qui avaient été remis par le constructeur au notaire. Le notaire a donc été accusé d’une faute professionnelle, à savoir la description fautive de la propriété dans l’acte de base et dans l’acte notarié, en raison de l’absence d’examen concret ou d’une analyse insuffisante des plans d’urbanisme.

La Cour d’appel d’Anvers a jugé qu’on ne pouvait pas attendre du notaire, lorsqu’il décrit un bien immobilier, qu’il vérifie à chaque fois si cette description correspond également aux plans d’urbanisme approuvés, même s’il en dispose. Les juges d’appel ont donc décidé que le notaire ne pouvait être tenu responsable d’aucune faute. Sa responsabilité n’était pas engagée, d’autant plus que, selon la Cour d’appel, le constructeur lui-même avait été négligent.

Au terme de son arrêt du 7 mai 2020, la Cour de cassation rappelle à l’ordre les juges d’appel. Selon la Cour de cassation, le devoir de conseil et d’information qui incombe au notaire en vertu de l’article 9, § 1, troisième alinéa, de la loi sur le notariat doit être considéré comme une obligation de moyens dont le respect s’apprécie selon le comportement d’un notaire normalement diligent placé dans les mêmes circonstances. À cet égard, les connaissances et l’expérience des parties, leurs attentes légitimes et les informations dont dispose le notaire sont prises en compte. De la circonstance que le notaire n’avait pas réalisé les efforts suffisants pour effectuer un contrôle et une comparaison concrets de tous les actes et documents dont il disposait (plans de l’immeuble, acte de base et autres actes relatifs à la construction d’un immeuble à appartements, acte de vente individuel, …), les juges d’appel ne pouvaient pas valablement décider que le notaire n’avait pas commis de faute.

La Cour de cassation précise en outre la manière dont le comportement d’un notaire doit être évalué. On peut attendre du notaire qu’il établisse son acte en tenant compte de tous les documents en sa possession. Les parties doivent donc pouvoir compter sur le fait qu’il fait des efforts suffisants pour mettre ses connaissances et son expérience à leur service. Ce n’est que lorsqu’il leur a suffisamment indiqué les éventuels points difficiles de l’affaire et qu’ils décident néanmoins de ne pas tenir compte de ses conseils que le notaire peut se prémunir avec une certaine tranquillité d’esprit contre tout recours.

© Philippe VANSTEENKISTE en Lies MARQUET

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