La Cour de Cassation clarifie l’interaction entre la régularisation fiscale, faux en écritures en matière fiscale et le blanchiment d’argent

Le 19 novembre 2019, la Cour de Cassation a rendu un arrêt relatif aux faux en écritures en matière fiscale et au blanchiment d’argent qui mérite d’être souligné (Cass. 19 novembre 2019, P.19.0861.N).

L’objet de cette affaire pénale était une déclaration de régularisation du 27 juin 2013, conformément au règlement de régularisation en vigueur à l’époque et introduit par la loi Programme du 27 décembre 2005 (dit « Règlement-DLU-bis »). Le Procureur Général près la Cour d’appel de Gand a poursuivi le prévenu entre autres parce qu’il n’avait pas inclus tous les revenus étrangers dans sa déclaration de régularisation de type DLU-bis (déclaration libératoire unique).

La Cour d’appel de Gand a vu les choses autrement. Les juges d’appel ont décidé que, sur base des dispositions légales en vigueur à l’époque et des modèles existants, le déclarant était libre de choisir quelles valeurs et quels revenus de quelle période il souhaitait régulariser. Selon les juges en raison de cette liberté de choix, la déclaration de régularisation ne peut être considérée comme un document protégé par la loi qui s’impose à la confiance publique. Après tout, ce n’est le cas que si le gouvernement et les particuliers qui y sont confrontés peuvent être convaincus de la véracité du document. Ceci n’était pas le cas pour la déclaration de régularisation de type DLU-bis, en sorte qu’il ne pouvait être question de faux en écritures en matière fiscale.

Le Procureur général près la Cour d’appel (demandeur en cassation) n’a pas partagé cet avis et a fait valoir un moyen contre ce point de la décision. Le pourvoi en cassation n’a cependant pas atteint son objectif. La Cour de Cassation a suivi le point de vue des juges d’appel en décidant qu’ « une déclaration de régularisation n’est pas un document protégé par le droit pénal en ce qui concerne les revenus ou comptes étrangers qui y sont déclarés car, à l’époque, le déclarant était libre de déterminer quelles valeurs et quels revenus il souhaitait régulariser et il ne lui était pas explicitement demandé dans le formulaire de déclaration s’il n’avait pas d’autres revenus ou comptes étrangers en dehors des montants indiqués » (traduction libre).  

L’arrêt contient également une évaluation intéressante concernant un moyen qui a été développé en rapport avec le troisième délit de blanchiment d’argent (la dissimulation et le déguisement des avantages patrimoniaux illégaux). Le demandeur a argumenté que le solde du compte formait l’objet du blanchiment parce que le compte a été caché aux autorités fiscales de sorte qu’une enquête fiscale plus approfondie a été rendue impossible. Il y a bien sûr une erreur dans ce raisonnement. Après tout, la simple dissimulation par le contribuable de l’existence d’un compte étranger ne donne pas automatiquement de caractère illégal au solde du compte. Un éventuel caractère (totalement ou partiellement) illégal du solde doit notamment provenir d’une infraction primaire. Si tel est le cas, la dissimulation en tant que telle peut constituer un acte de blanchiment d’argent.

© Patrick Waeterinckx et Ruben Van Herpe

Cet arrêt de cassation sera discuté de manière approfondie en plus d’autres sujets par M. Patrick WAETERINCKX le 24 mars 2020 lors de l’étude « Actualia economisch straf(proces)recht » du ‘Centrum voor Beroepsvervolmaking in de Rechten’ et fera partie du cahier de documentation joint. En outre, l’arrêt sera également annoté dans Nullum Crimen et le Tijdschrift voor Fiscaal Recht, à chaque fois avec un co-auteur et dans une perspective différente.

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